Thursday, December 31, 2020

Rainer Maria Rilke

How surely gravity's law, 
strong as an ocean current,
takes hold of even the smallest thing
and pulls it toward the heart of the world.

Each thing --
each stone, blossom, child --
is held in place.
Only we, in our arrogance, 
push out beyond what we each belong to
for some empty freedom.

If we surrendered
to earth's intelligence
we could rise up rooted, like trees.

Instead we entangle ourselves
in knots of our own making
and struggle, lonely and confused.

So, like children, we begin again
to learn from the things,
because they are in God's heart;
they have never left him.

This is what the things can teach us:
to fall,
patiently to trust our heaviness.
Even a bird has to do that
before he can fly.


Rainer Maria Rilke, Book of Hours: Love Poems to God, 1996
Translated by Joanna Macy and Anita Barrows 

Monday, December 21, 2020

Winter with Thoreau

There is a slumbering subterranean fire in nature which never goes out, and which no cold can chill... What fire could ever equal the sunshine of a winter's day, when the meadow mice come out by the wallsides, and the chicadee lisps in the defiles of the wood? The warmth comes directly from the sun, and is not radiated from the earth, as in summer; and when we feel his beams on our backs as we are treading some snowy dwell, we are grateful as for a special kindness, and bless the sun which has followed us into that by-place.

This subterranean fire has its altar in each man's breast, for in the coldest day, and on the bleakest hill, the traveller cherishes a warmer fire within the folds of his cloak than is kindled on any hearth. A healthy man, indeed, is the complement of the seasons, and in winter, summer is in his heart. There is the south. Thither have all birds and insects migrated, and around the warm springs in his breast are gathered the robin and the lark. 


Henry David Thoreau "Excursions

Sunday, December 20, 2020

Dance is the breath made visible

 


The documentary Breath made visible on the dancer and choreographer Anna Halprin reveals her love of dancing in the natural world. 

"The birds dance and the clouds dance. Everything is in motion all of the time. Life is in motion. Even every day movement can take on the awareness of a dance."

"The moment you start working in nature, there is that opportunity to begin to investigate the nature of your body."

She invites us to follow her in her uncompromising freedom and expression, and hails us to move with spirit. 

"My grandfather would dance when he prayed. He looked like my image of what God is supposed to look like. I thought God was a dancer."

"You don't just dance for yourself. You dance for the good of others. You dance to make connections with nature. You dance to call up the spirits."

"People always used a form of dance to make sense of the mystery of life. (...) And they don't worry about how they look when they do it, it's how they feel."

Gisèle Halimi pour les femmes de demain

 Qui pourrait affirmer que nos sociétés sont désormais égalitaires? Que la question est réglée, que les femmes jouissent d'un statut équivalent à celui des hommes, qu'elles ne sont pas sous-sujets, sous-citoyennes, sous-représentées dans les instances décisionnelles ? Avez-vous vu les photos de la table des négociations sur les retraites de Matignon ? Ou celles des discussions de paix sur la Syrie, l'Irak, l'Afghanistan ? Des hommes, des hommes, des hommes. En 2020. C'est consternant. Notre numéro de Sécurité sociale commence par le chiffre 2. Celui des hommes par le chiffre 1. Ce n'est évidemment pas un hasard/ Nous restons régulés au second rang, inessentielles derrère les essentiels. 

Petite, je m'emportais en criant : "C'est pas juste !", indignée par les différences de statut et de privilèges entre garçons et filles, y compris au sein de ma famille. Eh bien, "c'est toujours pas juste", quatre-vingts ans plus tard. Cela reste une malédiction de naître fille dans la plupart des pays du monde, à tout le moins un manque de chance, et ce constat m'est douloureux. Comment se fait-il qu'il ne conduise pas à l'insurrection ? Comment se fait-il que cette injustice majeure qui touche un être sur deux sur la planète ne soulève pas une vague de fond de protestation ? Un peu partout dans le monde, les peuples opprimés finissent par se révolter contre les oppressurs ; et les esclaves par se libérer. Alors ? Pourquoi la cause des femmes ne mobilise-t-elle pas davantage ? Qu'attendent les femmes pour se lever et pour crier "Assez !" ?

 Trop d'entre elles consentent à leur oppression. Cela paraît insensé, mais religion et culture se liguent depuis des siècles pour fonder ce consentement mû en complicité. Victimes d'enfermement, elles se laissent leurrer par les fleurs de leur maître, ses hymnes à la fée du logis, ses éloges à la déesse de leur coeur. Savez-vous ce que Freud lui-même écrivait à Martha, sa fiancée ? " Le destin de la femme doit rester ce qu'il est : dans la jeunesse, celui d'une délicieurse et adorable chose, dans l'âge mûr, celui d'une épouse aimée," En bien voyons ! Balzac était plus cynique : "La femme est une esclave qu'il faut savoir mettre sur un trône." On ne asurait mieux exprimer le piège tendu aux femmes. Le trône est une prison, elles le découvrent très vite mais s'y résignent, cherchant désespérément à y trouver quelque avantage pour éviter la blessure, sauver l'honneur, sauver leur peau, quitte à entretenir et reproduire le système. Complices, donc. Et c'est terrible. Le sort des femmes n'échappe pas à la règle qui perpétue les grandes oppressions de l'Histoire : sans le consentement de l'opprimé - individu, peuple, ou moitié de l'humanité -, ces oppressions ne pourraient durer.

Il faut donc casser ce système. Déciller les yeux. Obliger à chacun de regarder le monde tel qu'il est et non tel qu'il nous est raconté dans un narratif fallacieux, destiné à faire croire à une harmonie complémentaire entre les sexes. Ca suffit, la fiction ! Suffit, toute cette propagande véhiculée par les mythes, les rites, les grands classiques du cinéma et de la littérature, et jusqu'à peu l'enseignement. C'est elle qui à fait croire que le génie ne pouvait être que masculin puisque l'Histoire n'avait retenu que des noms d'hommes parmi les scientifiques et les artistes ayant marqué le temps. Une honte quand on sait combien de travaux de femmes (en musique, peinture, littérature) ont été gommés ou pillés par leurs maris, frères, compagnons. Songez à Clara Schumann, Alma Mahler, ou à cette pauvre Fanny Mendelssohn, pourtant si douée , à qui le père a ordonné : "Renonce à des triomphes qui ne conviennent pas à ton sexe et cède la place à ton frère." Et Colette, pillée par Willy ? Et Camille Claudel  jalousée par Rodin ? Et les soeurs Morisot, Berthe et Edma, admirées par Manet qui a tout de même osé écrire : "Les demoiselles Morisot sont charmantes, c'est fâcheux qu'elles ne soient pas des hommes." Quelle misère !

 Alors, oui, j'ai envie de dire plusieurs choses aux jeunes femmes qui préparent le monde de demain.

 D'abord, soyez indépendantes économiquement. C'est une règle de base. La clé de votre libération, le moyen de sortir de la vassalité naturelle où la société a longtemps enfermé les femmes. Comment devenir au être de projets si l'on demeure assujettie au pouvoir d'un "protecteur" ? Comment vivre la vérité d'une relation amoureuse si l'on est entretenue et contrainte, en cas d'insatisfaction sexuelle, de feindre le plaisir puisque le seigneur et maître est exclu ? Comment être libre d'exister, de choisir, de fuir en case de violence, si l'on est dépourvue de moyens, de métier, de relations sociales et de l'estime de soi que procure l'indépendance économique ? Ce conseil peut paraître superflu aux jeunes filles qui préparent leur bac et entendent travailler. Je leur parle d'expérience, et en tant qu'avocate des femmes depuis plus de soixante-dix ans. Sachez qu'à la première crise économique, c'est le travail des femmes qui est toujours remis en cause. Ce sont elles, les premières victimes  du chômage. Elles, les plus mal payées et le plus gros contingent (deux tiers) des smicards. Elles, à qui l'on propose en priorité le temps partiel, abusivement appelé "temps choisi" alors qu'il est un choix que pour une infime minorité d'elles. Alors ayez de l'ambition, développez de grands rêves mais ne perdez jamais de vue l'exigence primordiale de l'indépendance.

 Ensuite, soyez égoïstes ! Je choisis ce mot à dessein. Il vous surprend ? Tant pis. Les femmes ont trop souvent le sentiment que leur bien-être doit passer après celui des autres, les parents, les enfants, les compagnons, le cercle professionnel et familial. Elles craignent de s'imposer, d'exiger, de révéler leurs envies ou ambitions, de se mettre clairement en avant. Ce n'est pas qu'elles soint naturellement modestes. C'est juste que l'Histoire leur a dicté cette attitude de réserve, voire de retrait : une femme ne doit pas faire de bruit, ne pas déranger, ne pas se faire remarquer, ne pas avoir l'esprit de compétition, ne pas chercher la gloire. Ca c'est réservé aux hommes. Mais rebellez-vous ! Pensez enfin à vous. A ce qui vous plaît. A ce qui vous permettra de vous épanouir, d'être totalement vous-mêmes et d'exister pleinement. Envoyez balader les conventions, les traditions et le qu'en dira-t-on. Fichez-vous des railleries et autres jalousies. Devenez prioritaires. 

 A cela, j'ajoute : refusez l'injonction millénaire de faire à tout prix des enfants. Elle est insupportable et réduit les femmes à un ventre. Dépossédées de tout pouvoir, elles n'ont longuement eu droit qu'à ce destin : perpétuer l'humanité. Et malheur aux femmes stériles (qu'on ne se privait pas de répudier) ou au choix de la "nullipare" : il était incompréhensible, sinon répréhensible. La "mère" était souveraine. La littérature, les conventions sociales, la publicité, les lois en ont créé un stéréotype, que l'on met sur un piédestal, auréolé de son abnégation et de son oubli d'elle-même. On méprise la femme, mais on vénère la mère, dont l'enfant devient l'ornement. Je me souviens combien, lycéenne, j'avais été frappée par l'évocation de la mère des Gracques montrant fièrement ses fils : "Mes bijoux, les voici." Leur éclat devait rejaillir sur elle qui leur avait consacré son temps, ses soins, toute son énergie, allant jusqu'àu sacrifice de sa vie personnelle. Mère exemplaire par excellence.

 J'ai moi-même enfanté. Par trois fois. Ce n'était pas par conformisme ni besoin de substitut. Mais par curiosité. Une curiosité insatiable, trait fondamental de mon caractère. Une curiosité féministe : je voulais savoir ce que grossesse et accouchement provoqueraient dans mon corps et dans ma vie de femme. Aurais-je encore envie de lire des nuits entières ? De faire l'amour ? D'écouter de la musique ? Pourrais-je travailler, plaider, interférer avec les autres ? Porter et mettre au monde un enfant me semblaient l'ultime expérience de mon destin biologique. Il fallait que je le vive plutôt que de le lire pour le théoriser. Et puis je l'avoue, je désirais une fille. Chaque fois. De toute mon âme. C'eût été si intéressant ! Quel défi pour une féministe ! Elever une fille dans un monde régi et pensé par les hommes. L'éveiller à ses dons, lui révéler sa force et lui donner confiance. Incarner la femme libre qu'elle aurait été plus tard. Lui offrir en somme tout de dont Fritna m'avait privée. Fritna que j'adorais et qui ne m'aimait guère. Fritna qui roucoulait : "Mon fils, mon fils !" mais me refusait toute étreinte et le moindre baiser. Fritna, ma mère, dont j'ai tant quêté le regard et que j'implorais encore, à 60 passés : "Pourquoi maman ? Pourquoi tu ne m'as jamais aimée ?"

 Eh bien j'affirme que la maternité ne doit pas être l'unique horizon. Et que l'instinct maternel est un immense bobard à jeter aux poubelles de l'Histoire. Je n'y ai jamais cru. La vie n'a fait que confirmer mes intuitions. Alors j'insiste : soyez libres ! La maternité n'est ni un devoir ni l'unique moyen d'accomplissement d'une femme. Elle mérite réflexion, considération, sans aucune autocensure : pourquoi faire un enfant ? SAuver le monde ? Se reproduire ? Laisser une trace ? Ce doit être une décision prise en liberté, et en responsabilité, hors pressions bibliques ou conditionnement social. Un engagement réfléchi et lucide. 


Gisèle Halimi avec Annick Cojean, "Une farouche liberté", 2020

Sunday, December 6, 2020

Démarche d'Andrée Chedid

Nul n'a vécu le fond d'une rose
L'espace d'un océan
Ou le lieu  de son corps
Nul n'entrevoit l'écart entre la pulpe et l'écorce
Ne démêle l'écheveau de l'ombre et de la fleur

Les nuits martèlent nos clairières
Le jour abreuve nos ravins

Nul chemin n'est plus inverse que le nôtre
Mais nul plus souverain.


Andrée Chedid "Textes pour un poème", 1983.

Monday, November 9, 2020

Oda a la jardinera

Sí, yo sabía que tus manos eran
el alhelí florido, la azucena de plata;
algo que ver tenías
con el suelo,

con el florecimiento de la tierra,
pero
cuando
te vi cavar, cavar,
apartar piedrecitas
y manejar raíces
supe de pronto,
agricultora mía,
que
no sólo
tus manos,
sino tu corazón
eran de tierra,
que allí
estabas
haciendo
cosas tuyas,
tocando
puertas
húmedas
por donde
circulan
las
semillas.

Así, pues,
de una a otra
planta
recién
plantada,
con el rostro
manchado
por un beso
del barro,
ibas
y regresabas
floreciendo,
ibas
y de tu mano
el tallo
de la astromelia
elevó su elegancia solitaria,
el jazmín
aderezó
la niebla de tu frente
con estrellas de aroma y de rocío.
Todo
de ti crecía
penetrando
en la tierra
y haciéndose
inmediata
luz verde,
follaje y poderío.
Tú le comunicabas
tus semillas,
amada mía,
jardinera roja.
Tu mano
se tuteaba
con la tierra
y era instantáneo
el claro crecimiento.

Amor, así también
tu mano
de agua,
tu corazón de tierra,
dieron
fertilidad
y fuerza a mis canciones.

Tocas
mi pecho
mientras duermo
y los árboles brotan
de mi sueño.
Despierto, abro los ojos,
y has plantado
dentro de mí
asombradas estrellas
que suben con mi canto.

Es así, jardinera:
nuestro amor
es
terrestre:
tu boca es planta de la luz, corola,
mi corazón trabaja en las raíces.



Pablo Neruda “Tercer libro de las odas“ Buenos Aires, Losada, 1957.

Tuesday, November 3, 2020

Being is the Sea

Being is the sea, speech is the shore,

The shells are letters, the pearls knowledge of the heart,

In every wave it casts up a thousand royal pearls

Of traditions and holy sayings and texts.

Every moment a thousand waves rise out of it,

Yet it never becomes less by one drop.

Knowledge has its being from that sea,

The coverings of its pearls are voice and letters.

Since mysteries are here shown in an allegory,

It is necessary to have a recourse to illustrations:

I have heard that in the month Nisan

The pearl oysters rise to the surface of the sea of Uman.

From the lowest depths of the sea they come up

And rest on the surface with opened mouths.

The mist is lifted up from the sea,

And descends in rain at the command of 'The Truth'.

There fall some drops into each shell's mouth,

And each mouth is shut as by a hundred bonds.

Then each shell descends into the depths with full heart,

And each drop of rain becomes a pearl.

The diver goes down to the depths of the sea,

And thence brings up the glittering pearls.

The shore is your body, the sea is Being,

The mist Grace, the rain knowledge of the Names.

The diver of this mighty sea is human reason,

Who holds a hundred pearls wrapped in his cloth 

The heart is to knowledge as a vessel, 

The shells of knowledge of the heart are voice and letters...


Mahmud Shabistari, translation E.H. Whinfield


Islamic Mystical Poetry Sufi Verse from the Mystics to Rumi, Mahmood Jamal, 2009

Wednesday, October 7, 2020

The Measure of Charity


Charity is a love that fortifies the ones we love in the secrecy of their own being, their own integrity, their own contemplation of God, their own free charity for all who exist in Him. 

Such love leads to God because it comes from Him. It leads to a union between souls that is intimate as their own union with Him. The closer we are to God, the closer we are to those who are close to Him. We can come to understand others only by loving Him who understands them from within the depths of their own being. Otherwise we know them only by the surmises that are formed within the mirror of our own soul. 

...

God knows us from within ourselves, not as objects, not as strangers, not as intimates, but as our own selves. His knowledge of us is pure light of which our own self-knowledge is only a dim reflection. He knows us in Himself, not merely as images of something outside Him, but as "selves" in which His own self is expressed. 

He alone holds the secret of a charity by which we can love others not only as we love ourselves, but as He loves them. The beginning of this love is the will to let those we love be perfectly themselves, the resolution not to twist them to fit our own image. If in loving them we do not love what they are, but only their potential likeness to ourselves, then we do not love them: we only love the reflection of ourselves we find in them. Can this be charity?


Thomas Merton "No Man is an Island", London, 1955.

Monday, May 18, 2020

Emily Dickinson


Civilization - spurns - the Leopard!
Was the Leopard - bold?
Deserts - never rebuked her Satin -
Ethiop - her Gold -
Tawny - her Customs -
She was Conscious -
Spotted - her Dun Gown -
This was the Leopard's nature - Signor -
Need - a keeper - frown?

Pity - the Pard - that left her Asia -
Memories - of Palm -
Cannot be stifled - with Narcotic -
Not suppressed - with Balm -


A Choice of Emily Dickinson's Verse, Ted Hughes, 1968

Wednesday, April 8, 2020

The Old Threads are Unraveling



The old threads are unraveling, 
Get your needles ready.
We are stitching a new quilt of humanity.

Bring your old t-shirts, 
worn out jeans, scarves, 
antique gowns, aprons
old pockets of plenty
who have held Earth's treasures, 
stones, feathers, leaves
love notes on paper. 

Each stitch
A mindful meditation. 
Each piece of material
A story. 
The more color the better, 
so call in the tribes.
Threads of bones, whites, reds, oranges,
Women from all nations
start stitching. 

Let's recycle the hate, the abuse,
the fear, the judgment.
Turn it over, wash it clean, 
ring it out to dry. 
It's revolution of recycled wears. 
Threads of greens, blues, purples
Colorful threads of peace, kindess, 
respect, compassion are being stitched
from one continent to the next
over forest, oceans, mountains. 

The work is hard 
Your fingers may bleed. 
But each cloth stitched together
Brings together a community. 
A world, our future world
Under one colorful quilt. 
The new quilt of humanity. 

Julia Myers

Tuesday, March 3, 2020

Entretien avec Satish Kumar

Le premier enseignant invité au Schumacher College, en 1990, était le célèbre climatologue anglais James Lovelock, pour qui la Terre est un être vivant...

L’hypothèse Gaïa, de James Lovelock, énonce que l'ensemble du vivant de la Terre forme un superorganisme qui s’autorégule harmonieusement. Si l'on accepte cette idée, nous devons sortir d'une vision mécaniste ou chaque cause aura un effet déterminé. Il y a des effets de feedback et de boucle: une interdépendance constante, comme on s'en rend compte aujourd'hui avec le désordre climatique. Cette vision scientifique de Lovelock doit être complétée par la vision éthique d'Arne Naess, philosophe norvégien et fondateur de la deep ecology (écologie profonde), qui lui aussi est venu enseigner ici. Les plantes, les animaux, les rivières et les montagnes ont un droit intrinsèque a vivre.
Il n'y a pas un sujet "homme" et un objet "nature". Il n'y a que des sujets! Et tous dépendent les uns des autres. L'homme est a la fois l'observateur et l'observé. Avec Lovelock et Naess, nous commençons a nous approcher d'une science, que j'appelle de mes vœux, qui ne serait pas séparée de la spiritualité.

Et vous proposez a cette fin de cultiver un nouvel équilibre entre "la Terre, l’âme, la société".

J’étais en quête d'une trinité capable d'incarner notre nouvelle histoire : un paradigme neuf dont nous avons besoin pour penser les défis qui nous attendent. Car avec la Trinité chrétienne - Père, Fils et Saint -, on oublie la mère, la fille et la sainte matière. La trinité française "Liberté, Égalité, Fraternité" est magnifique, mais ne vise que l'homme et oublie la nature. Quant a la trinité new age du "Mind, Body, Spirit", elle néglige la société. D’où ma proposition : "la Terre, l’âme, la société". J'entends certains dire : "Je m'engage pour l'écologie." D'autres: "L'urgence, c'est le combat pour la justice sociale." D'autres encore : "Je médite car seul l’éveil spirituel compte." Ça ne peut pas marcher! Comme nous l'enseignons au Schumacher College, nous devons faire les trois a la fois: prendre soin de la Terre, c'est prendre soin de l’âme ; prendre soin de l’âme, c'est se donner les moyens de s'engager de manière juste en politique, et ainsi de militer en retour pour une société favorisant la vie de l’âme et la préservation de la nature. Car le changement ne viendra pas du sommet - dirigeants politiques ou multinationales -, mais de la base : d'une prise de conscience des gens ordinaires.

L’idée d'une "âme" est difficile a appréhender pour un esprit athée et moderne. Ce n'est pas un mot que nous employons volontiers. Comment la définissez-vous?

L’âme et la graine : le potentiel que chacun porte en lui. Elle est comme le gland pour le chêne. Notre intelligence, notre imagination, nos engagements sont comme les branches de l'arbre dont la graine est l’âme. Et de la même manière qu'un arbre a besoin d'un sol généreux pour s’élever, nous nous épanouissons grâce aux relations de respect, d'amour, d'entraide, que nous tissons avec les autres êtres vivants.


Et il n'y a pas de mauvaise graine?

Bien sur que non! L’idée d'un péché originel est tout simplement fausse. On ne la trouve pas, d'ailleurs, dans la parole du Christ. Elle vient plus tard, avec Augustin notamment. Mais l'univers est bienveillant : contrairement a la théologie chrétienne, qui continue d’imprégner les mœurs occidentales, je suis convaincu que nous jouissons d'une b
énédiction originelle. La "révolution de l'amour", comme on disait du temps de ma jeunesse, doit commencer par un acte de paix envers soi-même.

Face a l'urgence écologique, nous n'entendons pas beaucoup de mots d'amour. Les activistes misent plutôt sur la peur...

C'est une erreur. Si vous êtes motivé par la peur, vous ne connaitrez que désillusion. J'admire Greta Thunberg, mais je l'ai mise en garde : si tu agis par peur, tu seras forcement déçue par le résultat de ton action. Cela ne se passe jamais comme on veut. Alors que si nous agissons par amour, chacune de nos actions, même la plus quotidienne, est un accomplissement, une joie, elle se suffit a elle-même. Agissons en confiance. Nous réusssissons? C'est un cadeau de l'univers! Nous ne réussissons pas? Cela valait malgré tout la peine d’être fait.

Il s'agit donc d'agir, mais sans s'attacher au résultat?

Je reste convaincu que nous pouvons aller vers une société meilleure. Mais ça ne peut pas être un objectif mesurable, planifiable, maitrisable. C'est un voyage : un pas après l'autre, une action après l'autre. Attentif a ce qui, imprévu, émerge et nous appelle.

Par Philippe Nassif pour Madame Figaro


Friday, January 24, 2020

Do Not Go to the Garden of Flowers


Do not go to the garden of flowers!
O friend, go not there;
In your body is the garden of flowers. 
Take your seat on the thousand petals of the lotus
And there gaze on the Infinite Beauty.

Kabir