Monday, October 14, 2013

Poème de Lorette Nobécourt

Apparue,
Loin
et blanche
Comme les reins d'un renne
Propulsée par les collines
De toutes les Russies intérieures
Que nous portons dans les flancs
D'où es-tu venue,     H. ?
De quelle lignée ?
De quel foie de Dieu
Infiniment dévoré par l'aigle du temps ?

Je te salue,
Femme aux yeux de basilic
Dont les silences ourlés
A l'éternité
Chantaient
Chantent encore
Où irons-nous?
   Désormais
Que nos Russies et nos steppes
Ont été assiégées d'industrie

Je connais - j'entends,   H. ?
Dans ta muique
Une taïga
Celle de ma poitrine
Où chevauchent
Des tribus de cosaques
Insoumis
Brûlant de sauvagerie mystique
D'espérance
     bègue

Voluptueux, leurs cris
Vers un dieu
Auquel ils ne croient plus
Et pourtant
Continuent de laper le ciel
A langue nue
Mais leurs chants
Tombent sur leurs genoux
Comme des foetus morts

Où les cathédrales d'antan ?
Les processions d'encens ?
Où la ferveur des icônes ?
Où les croix heureuses sur les poitrines confiantes ?

Aujourd'hui, comme hier
Nulle part
Ailleurs    qu'en nous-mêmes

Le vent parfois chante comme toi,
Née le même jour que ce jour
Où le cerf s'en va battre la terre sous la lune
Et moi

Quelques siècles d'âmes
Entre nous
Et comme rien
Tenant chacune le fil
Du même écarlate

Ce ne sont pas des chants
Qui montent vers le ciel
Mais des morceaux de ciel
Qui appellent dans les champs
Des voyelles
Que le vent articule
Dans l'air et le silence frais

D'où les entendais tu ?
Les chants    D'où ?
De quel corps métaphysique
De quelle organique espérance ?

Le souffle roule
Verbe entre les cuisses de l'âme

Quel corps, dis-tu ?
Vertical

Dans ma bouche
Des nuées de ciel

Ce qui écrit en moi
Au-delà
Par les siècles
Ecrira

Car c'est toujours
A la source unique
Du verbe
Que les livres s'abreuvent

L'hiver mat et franc
Me promet

Depuis trois jours
Sans discontinuer
Le vent nous bat

Et les oiseaux même
Semblent
Des pierres jetées dans le ciel
Par un enfant fou

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