Planche folle, escorté des hippocampes noirs,
Quand les juillets faisaient crouler à coups de triques
Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs;
Il est parmi vous qui recherchent les bavards de peur d'être seuls.
Le silence de la solitude révèle à leurs yeux leur moi dans sa nudité et ils voudraient s'enfuir.
Et il en est qui parlent, et sans savoir ou préméditation révèlent en vérité qu'ils ne comprennent pas eux-mêmes.
Et il en est qui ont la vérité en eux mais ne l'expérimente pas en paroles.
Dans le sein de ceux-ci l'esprit demeure dans le rythme du silence.
Le Prophète, Khalil Gibran, Casterman, p. 60-61
L'hommage physique consiste à s'incliner devant les objets du refuge. Les cinq parties du corps doivent toucher terre: les deux genoux, les paumes des deux mains et le front. Les paumes, pas seulement les poignets, doivent se poser à plat par terre. Pareillement le front. C'est ainsi que l'on fait une demi-prosternation. Pour la prosternation complète, c'est le corps entier qui est allongé au sol, comme un arbre tombé.
Du bonheur de vivre et de mourir en paix, Sa Sainteté Le Dalaï Lama, Calmann-Levy, p. 81
- C'est pourtant simple. Pour bien tuer les bêtes, il faut les bien connaître. Pour les connaître, il faut les aimer, et plus on les aime et davantage on les tue. C'est même pire que cela en vérité. C'est exactement dans la mesure où on les aime qu'on éprouve le besoin et la joie de les tuer. Et alors, qu'on ait faim ou non, que cela rapporte ou que cela coûte, avec ou sans licence, en terrain permis ou défendu, peu importe. S'il est beau, noble ou charmant, s'il vous touche au plus profond du coeur par sa puissance ou sa grâce, alors on tue, on tue... Pourquoi ?
- Je ne sais pas, dis-je. Peut-être l'instant où vous allez l'abattre est-il le seul où vous pouvez sentir que la bête est vraiment à vous.
- Peut-être, dit Bullit en haussant les épaules. Une troupe de gazelles passa au milieu de la clairière, sur le fond du Kilimandjaro. Leurs cornes très minces et rejetées loin en arrière, presque à l'horizontale, avaient la courbure d'une aile.
Bullit les accompagna du regard et dit :
- Aujourd'hui, j'ai l'âme pleine de joie à les voir, simplement à les voir. Mais autrefois, j'aurais choisi la plus grande, la plus légère, avec la plus belle robe, et je ne l'aurais pas manquée.
- C'est votre mariage qui a tout changé ? demandai-je.
- Non, dit Bullit. C'est arrivé avant que je rencontre Sybil. Et ça ne peut pas s'explique davantage. Un beau jour le coup part et l'animal tombe comme à l'ordinaire. Mais on se rend compte subitement que ça vous laisse indifférent. La joie du sang qui était plus forte que toutes les autres, eh bien, elle n'est plus là. (Bullit promena sa large paume sur la toison rouge qui couvrait son poitrail dénudé.) On continue par habitude jusqu' à un autre jour où l'on ne peut plus continuer. On aime les bêtes pour les voir vivre et non plus pour les faire mourir.
Le Lion, Joseph Kessel, folio, p. 72-73